Projet

Hypersensibilité

Ambre

Operator please, patch me back to my mind 

Il y a une chose en moi difficile à saisir, que rien ne semble capable de débloquer. Paralysée par mes propres émotions, submergée par mes faiblesses et les épreuves, mon esprit se dissocie de mon enveloppe corporelle, cherche à s’échapper. Et malgré mes efforts je ne peux rien percevoir, je suis enfermée dans mon esprit et les choses autour de moi se dérobent. Les mots, les bruits, sont soit sourds soit font l’effet d’une menace directe pour mon corps déjà bien ébranlé. C’est à peine si je peux respirer l’air qui se fait rare, tout semble vouloir s’échapper avec une puissance telle que rien ne peut plus pénétrer, comme si mon être entier était inhospitalier.

J’ai été amenée à réaliser que la seule solution est de traverser l’épreuve : il n’y a nul recul possible. Il faut que je tombe au plus bas afin de pouvoir remonter : accepte cela et trouve la meilleure manière de faire face. Parfois la musique ou un contact humain peuvent aider, une fois le pire derrière moi ils m’apaisent, me calment. Ils donnent à mon esprit la possibilité de se concentrer sur de petites choses et de créer un schéma rassurant ; le rythme d’une mélodie ou d’une caresse, les paroles bien connues d’une chanson qui passe en boucle de manière à ce que mon esprit se détache du reste et bascule en mode automatique. Mais cela n’est possible qu’après la tempête. Puis, vient un état d’épuisement total pendant lequel je suis toujours non seulement détachée du monde, mais également de moi-même, afin que mon corps et mon âme blessés puissent reprendre des forces et se reconstituer : presque un black-out. Ce n’est qu’alors ce vide passé que je pourrai redevenir valide, reprendre conscience de ce qui m’entoure et revenir doucement à la vie.

Si j’ai choisi d’illustrer les crises d’angoisses au travers de ces photos et du texte précédent, c’est que, comme pour bon nombre de personnes hypersensibles, elles font partie de mon quotidien et sont l’une des choses les plus difficiles à vivre, provoquées par certaines situations poussées à l’extrême :

Je suis hypersensible et cela me rend capable de pleurer pour une gomme ; de dissocier suite au moindre bruit ou mouvement distracteur, me rendant souvent incapable de me concentrer ; cela me fatigue énormement car la charge mentale est disproportionnée pour la moindre tâche ; cela me donne l’impression de ne jamais être à ma place et de ne pas être appréciée car j’interprète les moindres signaux comme des signes de répulsion envers moi et ce malgré le fait que l’on essaye de me rassurer (signaux pourtant invisibles pour les autres qui n’ont aucune conscience de les émettre ou qui n’y préteraient pas attention.) 

L’hypersensibilité peut également me permettre de m’émerveiller pour le moindre événement, pour une coccinelle se posant sur moi ou pour un jour pluvieux comme j’en raffole, elle peut me permettre de ressentir les sentiments positifs mille fois plus forts aussi, d’aimer comme pas possible, et c’est important de le rappeler, mais elle n’est pas porteuse que d’avantages surtout lorsqu’on ne la maitrise pas encore tout à fait, tout est décuplé. 

Merci pour votre lecture et force à ceux et celles qui se cherchent et travaillent sur eux 

Laurie

Oppression. Impuissance. Douleur. Incompréhension.

C’était mon quotidien y a quelques années, me laissant dépérir par cette bête noire et pernicieuse qu’est la dépression. J’avais juste envie de m’allonger dans un endroit calme et de m’éteindre paisiblement. J’ai vu un psy pendant 1 ans et bien que cela m’ai aidé, je m’en suis finalement sortie par moi-même. J’ai en effet eu un déclic, un jour, en me promenant dans la forêt des Landes, entourant la maison de mes parents. Après des mois et des mois, le brouillard épais et froid qui engourdissait mon esprit s’est dissipé l’instant d’un moment. Quelques minutes. Un instant fugace mais assez intense pour que je me décide à arrêter mes anti-dépresseurs immédiatement et à aller mieux sans y être dépendante, car la vie était finalement belle et que je devais la vivre pleinement, plutôt que de vouloir l’arrêter de moi-même. Le chemin n’a pas été de tout repos, la bête toujours tapie quelques part, attendant l’instant ou je faiblirais de nouveau pour étendre un peu plus son emprise sur moi.

Mais j’ai réussi. J’ai désormais réussi à l’apprivoiser et j’ai pu comprendre pourquoi j’étais tombée, entre autre, dans la dépression. L’hypersensiblité. En effet, mon corps me parait parfois trop étroit pour ce que je peux ressentir, que ce soit des sentiments heureux, de la joie ou de la bienveillance ou leurs opposés tels que la tristesse, la culpabilité et la déception. Je suis facilement dominée par mes émotions et mes réactions sont toujours dictées par ces dernières et non par la logique. Une dispute pour une broutille, vite oubliée par l’autre parti, m’est plus difficile à surmonter, me rend malade et le lendemain, alors que tout devrais être oublié, je ne sais plus comment réagir. Je me dis toujours que je dois museler mes sentiments.

Lorsque mes sentiments me submergent, j’ai l’impression de suffoquer, d’être comme un animal en cage et qui à l’impression que le monde ne se résume qu’aux quelques mètres carrés dans lequel il tourne en rond. J’ai voulu des fleurs lors de ce shooting pour plusieurs raisons. Tout d’abord car je ne voulais pas dépeindre l’hypersensibilité comme seulement négative, car ce n’est pas ce que je ressens. En effet c’est invalidant parfois, je dois vivre avec mes crises d’angoisses, mon oppression mais je les accueillent désormais comme d’autres acceptent leurs complexes ou autre. Deuxièmement car c’est la nature, et les immenses étendues de forêts, de champs, de fleurs qui m’ont permis de mieux respirer et de me redonner goût à la vie, notamment lors de ma dépression. Lorsque le monde me paraissait étroit, sous un dôme, voir combien la nature était belle, forte mais aussi fragile à la fois, m’a permis de prendre du recul.

Esther

Je souffre de dépression depuis aussi longtemps que je me souvienne, j’ai construit ma vie autour de ça pendant longtemps je me disais que c’est à cause de choses qui me sont arrivées, mais je pense qu’elle était déjà là avant. Elle ne s’est pas toujours manifestée de la même façon, au fil de ma vie elle s’est revêtue de plusieurs parures, parfois c’était l’incapacité de me lever de mon lit, parfois la peur paralysante de l’échec, d’autres fois le sentiment que personne ne m’aime vraiment ou encore la volonté de disparaître, de n’avoir jamais existée.  

Ce n’est pas toujours évident de reconnaître quelque chose qui évolue en même temps que soi. Quand j’étais enfant ma dépression était plus facile à identifier, en grandissant il m’arrivait de confondre mes troubles avec les symptômes de l’adolescence, les difficultés de la vie d’adulte sans jamais percevoir ce qui se cachait derrière, et puis surtout quand on vit aussi longtemps avec quelque chose on fini par penser que c’est la norme, la dépression était devenue ma norme.  Tant que je n’étais pas littéralement au bord d’une fenêtre prête à en finir avec la vie (ce qui est arrivé quelques fois) je me disais que tout allait bien ! 

Le point tournant pour moi, pour commencer à aller mieux ça a été d’accepter de mettre un mot en face de cette souffrance, le diagnostique, posé par une autorité médicale m’a aider à comprendre que c’était une maladie, que tout ce que j’éprouvais était expliqué et explicable et que je n’allais pas m’en sortir par ma volonté propre, sans aide. Au même titre qu’on se fait soigner quand on a une maladie physique il fallait que j’accepte de me faire soigner pour cette maladie mentale et c’est seulement à partir de ce moment que j’ai commencé à aller mieux, vraiment mieux. 

C’est vraiment pas évident pour moi d’en parler, mes proches le savent mais j’en parle très peu. Déjà parce que ce n’est pas comme ça que les gens me perçoivent, je ne veux pas que l’image de la femme joyeuse et qui croque la vie a pleine dents que je renvoie soit altérée, c’est aussi une partie de qui je suis. Lorsqu’on fait un travail lié à la création comme le mien, avec une dimension artistique on se raconte forcément un peu, on y met un peu de soi et je pense aussi que c’est un sujet qui doit être évoqué sans tabou. Ça fait quelques années maintenant que ma dépression et moi on s’entend mieux, elle accepte de ne pas prendre trop de place dans ma vie à la condition que j’arrête de l’ignorer quand elle se manifeste, c’est un bon compromis je trouve !

 

Pour ma thématique, j’ai souhaité qu’il y est de l’eau, parce que c’est un élément qui pour moi représente parfaitement mon hypersensibilité et ma dépression : Comme un vague submergeante, comme un verre d’eau dans lequel je me noie, comme des larmes qui coulent sans que je ne puisse les arrêter mais aussi comme une matière fluide qui s’adapte et qui évolue en fonction de son environnement, au gré des saisons et qui me protège des flammes de la vie. Chaleureuse ou glaçante, un élément sans lequel je n’existerais pas, sans lequel je ne serais pas tout à fait moi.